J’ai embrassé l’aube d’été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route
du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes
se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncée au coq.
A la grand’ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre,
je la chassais.
En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu
son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.
Arthur Rimbaud, Illuminations
Tres beau poème
Je voudrais apporter ici un correctif, sur un point précis, à mon dernier commentaire du 15 avril.
Il y a erreur je crois à voir dans ce poème une forme de la litote comme je l’ai fait (dire moins pour exprimer davantage : ici le viol de la Nature par l’enfant, qui serait suggéré poétiquement).
Ce serait se méprendre sur le sens très symbolique (et symboliste) du poème : Rimbaud ne dit pas « moins », il dit « ce qui n’a jamais été dit » du monde des origines, avant que les noms ne recouvrent les choses et ne les banalisent, leur ôtant tout mystère, tout relief, comme elles apparaissent écrasées dans la lumière verticale du midi (l’heure méridienne).
Si la poésie est la parole antéprédicative d’avant l’apparition du concept, la parole d’un silence essentiel, le poète doit avant tout se mettre à l’écoute de la Nature : il ne crée pas de rien, il recrée à partir d’un monde déjà existant (plus démiurge que Dieu originel), il décape notre vue en ne nommant pas, c’est-à-dire en ne réduisant pas aux « mots de la tribu » : d’où l’utilisation ici de synecdoques, mais aussi de périphrases, de métaphores etc. qui nous font voir le monde sous le rayon d’un soleil neuf, d’un monde encore jamais vu, jamais nommé, avec tout le relief que lui donne le rayon arasant de l’aube, avec le jeu des ombres et de la lumière, ceux de la sombre forêt et de la cime argentée, en passant par le « wasserfall blond » échevelé…
L’enfant ne viole donc pas l’aube, comme j’ai pu le lire ici dans une lecture psychanalytique un peu rapide : il la découvre, il lui en-lève ses voiles (il ne les arrache pas), il l’em-brasse (la prend dans ses bras « avec ses voiles amassés » et ne la pénètre pas), il la com-prend (la prend avec lui), c’est-à-dire qu’il l’aime, car aimer c’est avant tout écouter et comprendre… sa « chasse » n’est pas celle d’un prédateur, mais celle toute spirituelle d’un chevalier servant pour sa Dame, d’un alchimiste en quête de la pierre philosophale qui est l’Amour, d’un enfant assoiffé qui court après sa mère comme à sa source….
Le poète procède donc ici par touches successives, un peu comme le peintre impressionniste ou pointilliste sur ses toiles, pour suggérer, é-voquer, dé-voiler, ré-véler le nouveau monde qu’il découvre et approfondit au fur et à mesure du déploiement de son œuvre…
L’Aube est ici plutôt la Dame-muse, la « Dame blonde aux yeux noirs à sa haute fenêtre » que chante Nerval ailleurs, ce qui n’enlève évidemment rien à la dimension profondément érotique du poème, mais d’un érotisme courtois, et « l’échange de l’éclair unique » dont parle Baudelaire dans « La Mort des amants » est ici évoqué par cet « immense corps » que « sent un peu » l’enfant avant de « tomber au bas du bois », rendu inconscient par l’éblouissement de la Révélation amoureuse…
Et entre le cri de victoire « J’ai embrassé l’aube d’été » (victoire que symbolisera plus loin le « bois de lauriers » près duquel se situe l’étreinte), et la fin du poème « Au réveil il était midi » (qui est tout sauf un « éveil » et signe plutôt la mort de la révélation amoureuse matutinale, désormais gommée dans le monde plat du « midi »), se déploie tout le poème sous la forme d’un conte onirique et mystérieux (forme utilisée ailleurs par Rimbaud dans le même recueil), avec l’utilisation des temps du récit : le passé simple, le passé composé et l’imparfait (mais l’imparfait intemporel du conte : « Il était une fois »)… « Départ dans l’affection et le bruit neufs »…
Poème rimbaldien s’il en est : celui de l’éclosion matutinale, de l’éveil, du pouvoir créateur de l’enfant-poète vagabond qui marche (« l’homme aux semelles de vent ») et donne vie au monde dans et par le poème : le monde poétique et enchanté où l’homme adulte et rationnel n’a pas encore posé ses pas, où les choses n’ont pas encore de noms -comme à l’origine, dans la Genèse, où Adam va devoir les nommer-, le monde vierge d’avant le concept, d’avant l’idée, d’où les nombreuses synecdoques utilisées (« les camps d’ombre », « les haleines vives et tièdes », « les ailes », « les pierreries » etc.), et puis ce monde s’anime par la course de l’enfant, par son verbe créateur à l’écoute de la Nature (ici c’est « la fleur » qui révèle son nom au poète), à la poursuite de la lumière qui apparaît au travers de ce divin « wasserfall blond » des épaisses forêts germaniques (les Ardennes ?), mot barbare s’il en est qui nous fait entendre la cataracte dans une puissante harmonie imitative… et puis le poème s’emballe dans une course effrénée et érotique derrière l’Aube vue comme une déesse que l’enfant nu va poursuivre de ses ardeurs par monts et par vaux, dans les cités, les ports (lieux de départs absolus), à laquelle il va arracher les voiles, l’un après l’autre, pour la déflorer finalement tout là-haut dans la lumière, qui est celle de l’orgasme du suprême Savoir, avant de tomber inconscient au bas du bois, avant que le triste « midi » vertical qui efface toutes les ombres enchantées ne le ramène, lui et son amante, à la raison c’est à dire à la mort qui est aussi celle du poème…
Que de choses seraient à dire sur ce grand, ce magnifique poème, l’un des plus beaux des « Illuminations », qui est même le récit d’une « illumination » suprême : la Poésie comme lieu de l’Eveil, comme célébration de l’Amour qui est suprême Savoir… et comment ne pas penser ici au « Gai savoir » nietzschéen en entendant « ce rire de l’enfant au wasserfall blond » et ne pas voir dans cet enfant, justement, le dernier stade de l’évolution de l’humanité, celui de l’innocence retrouvée, du plein pouvoir de la Création enfin libéré de tous les miasmes de l’infantilisme dysneylandesque qui envahit de plus en plus notre monde désenchanté ?
Bien
Ce poème est juste d’un niveau inatteignable par les autres poètes de son époque. Il est d’une magie incroyable qui nous fait ressentir une multitude de sentiments…
Ce très beau poème a été écrit par un poète de 18 ans, qui a commencé à écrire a 15 ans. Dans ce poème, Rimbaud exprime son art, tel qu’il le conçoit tant sur la forme que sur le fond. Il compose un poème en vers libres, forme poétique dont il est un des précurseurs, encadré d’un mètre en de vers octosyllabes (1er et dernier vers), en révérence à l’ancienne école. Quant au fond, il décrit une vision, un rêve, tels que peut en avoir le poète voyant, qui grâce à ce don peut communiquer avec la nature, les animaux, les plantes et les êtres invisibles. La fin laisse à penser que ce don est le propre de l’enfant-poète et qu’il se perdrait ensuite. Rimbaud a cessé d’écrire à 20 ans.
Ce poème raconte l’épiphanie du monde. Renseignez vous.
je trouverais toujours admirable la supercherie qui consiste a voir dans les écrits d’un illustre, que de la superbe, et tous les valeureux érudits vont s’empresser de trouver à ce texte une explication qu’elle soit plausible ou douteuse, et tout un chacun va y aller de son allégorie, de sa possible signification, alors de grace …donner moi toutes ces belles explications de manière à ce que j’entrevoie l’immensité de ses possibilités …à ce texte …qui ressemble au prime abord à un patchwork de mots et de phrases, qu’on aurait mit la bout à bout, …de manière désordonnée …histoire de donner au change et de crier au géni…
Si j’avais été Arthur, j’aurais pas mis le mot ‘waserfall’. Ça casse le truc. Ça casse l’ambiance. Ça détonne trop. Sinon, magasin
Ce poème est magicalement bon.
gogo du 9 mars 2015, c’est un poème en prose donc normal qu’il n’y a pas de rime. Mais toutefois il est encadré par deux octosyllabes. Si tu vois ça 7 ans après c’est juste incroyable XD. Aller bonne journée les gens.
Je n’ai pas de mots pour décrire cette œuvre incroyable. La sensualité ainsi que le désir exprimé dans ce poème est tellement réel et me touche au plus profond de mon cœur.
J’ai aimé ce poème.
De l’aimante (pas de l’amiante) on aura compris
Allégorie, rêve poétique… On peut y lire le réveil de la nature. On peut y lire aussi l’éveil dans les bras de l’aimée. Les pierreries pourraient être les yeux qui s’entrouvrent. Les ailes pourraient être les bras de l’aimée ou de l’amante ou de l’amiante. La fleur de l’aimée, cchut. Le wasserfall les cheveux. Ce texte nous fait voyager sur des images rêveuses, des sensations, toujours en mouvement jusqu’à la chute, au pied du bois de lauriers. Et midi, c’est l’heure du milieu, milieu du jour, de la vie, des possibles et du déjà vécu, c’est un tournant. Grand corps malade a repris cette idée de l’heure comme allégorie du parcours de la journée. L’aube et l’enfant tombèrent. Une sorte de fin de l’enfance ? Peut-être la première rencontre avec le corps de cet être aimé.
Je trouve cette poésie est très belle. Elle nous fait voler comme des oiseaux… Peut être parle il de la nature ou de sa bien aimée mais c’est très bien écrit et si émouvant. Que du positif j’ai adoré!
Voici ma traduction en anglais et mes impressions sur ce que dit Rimbaud pour le locuteur anglais:
https://frankhudson.org/2021/05/11/rimbauds-dawn/
Super poème, qui va droit à l’essentiel. Peut-être a-t-il écrit ce poème loin de la nature ? En ce qui me concerne, j’ai plus de facilité à parler de ce que je ne vois pas…des choses déjà vues, lors d’un voyage, dans les tableaux, ou dont on m’a parlé…
Eh bien, n’ai cure des grand discours, je ne le résume que d’un mot: Magnifique.
Bonjour, je n’arrive pas à savoir si ce thème représente le thème « poème et poésie des images du monde moderne ». Quelqu’un peut-il me dire svp ?
Communiste
Je suis désolé pour les amateurs de poèmes, mais je ne sais pas si c’est mon cerveau d’enfant de 13 ans et qui veut jouer à Fortnite ou bien ma débilité encore non-découverte, mais je ne comprends absolument RIEN à ce poème, merci et passez une bonne journée….
Bonjour à tous. J’ai une question ! A votre avis, quelle problématique pourrais-je mettre pour débuter un commentaire composée sur le poème AUBE d’Arthur Rimbaud ? Merci de me répondre assez rapidement …
Magnifique poème de Rimbaud. Je partage et j’aime !
« Aube » est un bijou laissé par un gamin meteorique. Pourquoi chercher quelle école,quel sens caché etc? Il a saisi l’insaisissable dans ces mots là. Je les savoure depuis 45 ans et ne m’en lasserai jamais. Et je m’incline!
Tengo lo impresión de que el poema representa una de las tantas ensoñaciones de la niñez, en que despertando en el bosque, a medio día, la vida se renueva.
Moi aussi j’aime ce poème. On peut l’interpréter bien-sûr, on peut aussi tout simplement le ressentir : ressentir la proximité de Rimbaud avec la nature, une nature d’une incroyable sensualité, encore vierge, omniprésente à cette époque et qui depuis très malheureusement, a été plus qu’ endommagée, saccagée.
Le ressenti de nos jours a perdu en intensité, à part dans certains endroits reculés. L’odeur des pots d’échappement (ceux des scooters particulièrement), des pesticides qui empuantent l’air de nos campagnes, des villages bloque nos poumons, nos narines de même que notre inspiration…
J’aime vraiment ce poème
À la première lecture
Il me sembla avoir senti la nature
Un peu de nostalgie même
Nu, ma sensation première
Excité par la suite
Grand voyage de croisière
Revivant l’expérience d’un grand huit
Oh ! Ce poète Rimbaud
Sussurant à mon oreille
Ses magnifiques mots
Ennivrants comme le miel à une abeille
Brassens s’est inspiré de toi
Il fut un temps où je fus jaloux
Tu arrivais à me rendre fou
Et finalement tu devins un roi.
Très beau poème…
Très beau poéme
A jacomino.
Si un jour tu vois mon message sache que 9 ans ont passé depuis ton message, et je pense que la nostalgie s’empare de toi à cet instant. Merci de me répondre si c’est le cas.
J’ai surtout l’impression qu’il parle de sa première fois et du fait que ça lui fait passer à l’âge « adulte ». Après je n’ai pas le niveau de parler technique et je ne connais pas son histoire mais je m’approprie son interprétation comme ça 😉
Merci ma prof de français chérie car je n’avais pas ce texte pour l’oral du bac. J’ai pu lire de magnifiques commentaires même si je ne comprends pas trop pourquoi ils disent ça. Moi, j’écris sans faire de fautes, pas comme certains LOL. Bisous à tous les profs de français qui ne donnent pas les textes aux éléves et qui ne les expliquent pas.
Bonjour, quelqu’un a parlé d’éloge de la création poétique. Mais je ne comprend pas vraiment en quoi ce texte le serait. Quelqu’un pourrait me l’expliquer s’il vous plaît?
Je m’intéresse pas trop au sens caché comme la réussite de recherche d’un langage nouvel, mais justement sa déscription est très très beau et hyper sensuel
J’aime
Poème magnifique. En tant que professeur de français j’aimerai que tout le monde le lise.
Ne vous emballez pas, c’est une allégorie de la création poétique, le jeune poète transfigure le monde par une nouvelle façon de voir et d’écrire, touche du doigt l’absolu poétique, mais échoue finalement dans sa quête et se confronte alors à l’entrée dans la réalité de l’âge adulte. Cela résume la courte carrière poétique de Rimbaud jusqu’à l’abandon précoce de l’écriture en laquelle il ne croit plus, c’est très autobiographique, comme la plupart de ses oeuvres.
Bonjour, serais-je le seul à voir dans ce sublime poème, l’amant qui au matin éveille le corps de l’amante, ou plus vraisemblablement celui de l’amant dans le cas d’Arthur et Paul… Les pierreries, les yeux pleins de lumières… les ailes se levèrent, les paupières s’ouvrent… les voiles, les draps de la couche… Le wasserfall blond à la cime des sapins, je vous laisse imaginer de quels sapins il s’agit. Ce poème est le plus beau chant d’amour qu’il existe.
Celia, certaines personnes sont plus sensibles à l’évocation, d’autres personnes sont plus sensibles à la narration. De plus, les poèmes peuvent être narratifs et les romans peuvent faire appel à l’évocation. Cordialement, Dorothée
Je trouve sa ennuyeux ! Pourquoi ne pas lire des vrais romans qui peuvent vous faire voyager à travers les histoires, les personnages et le temps. Je comprend aussi que ceci est possible dans un poème mais c’est deux fois trop court. On n’as pas le temps de se laisser emmené dans l’écriture. Moi, mon avis est que les poèmes sont trop courts et qu’on a pas le temps de comprendre quelque chose.
C très bo
Est-ce que cela appartient au romantisme ?
Merci d’avance !
Merveilleux !
Vraiment j’ai adoré ce poème. ♡ Un poème qui évoque une enfance passée trop vite… wow, magnifique !
Très beau poème avec l’Aube allégorisée, telle une femme, que l’enfant cherche à attraper. Poème qui met en avant la fuite du temps que le jeune Rimbaud essaye d’arrêter. L’action se passe comme dans un rêve; c’est Magnifique !
Je n’arrive pas à comprendre comment on peut interpréter ce poème comme étant l’éveil sexuel déchu d’un adolescent….
J’M mais y a pas de rimes 🙁
magnifique poème qui évoque une enfance et une innocence passée bien trop vite…!
Quel beau poéme , il me fait m’evader, un mouvement et une touche sensuelle, c’est magique !
à Max
Il y a comme de la magie dans ce poème car c’est le poète qui fait naitre le jour, qui lève les voiles, qui fait ce réveiller la nature, comme un Dieu
Quelqu’un pourrait-il me dire s’il vous plait en quoi ce texte est-il symbolique ? Merci d’avance !!
J’aime bien ce poeme et je le recommande.
J’aime beaucoup ce poème. La structure typographique est très différente des poèmes que j’ai l’habitude de lire. Quant au message qu’il veut faire passer, je trouve que Rimbaud à une vision, disons magique de la nature. Rappelons tout de même que l’auteur à eu une vie compliquée et qu’il sait en faire part de façon implicite dans chacun de ces poèmes.
Félicitations.
Superbe ce poème. J’aime beaucoup sauf quand il y a écrit « Rien ne bougeait encore au front des palais »
Superbe ce poème j’aime beaucoup !
Rimbaud n’a pas eu une vie parfaite comme l’on croit, non au contaire….
Mais joli poème quand même !
J’adore ce poème ! Sa montre bien qu’il ai resté dans son lit regarder l’aube pour se lever à 12h00 ;D
ce poeme evoque l eveil sexuel a l adoscelence; desir dechu apparement.
ce poème est magnifique, c’est doux. J’ai un seul mot a dire
magnifique poème !!
j’aime !!!
Beau poème,un peu long quand même!
Tous mes compliments, bonne continuation, c’est magnifique =)
??????
Et bien, ce poème est magique 🙂 . On sent celui ci arrivé…<3<3
Joli poème sur l’été doux et chaleureux. Je le sens venir 🙂
C’EST TROP BIEN
Ce poème est très beau..??
Rimbaud a vraiment un talent incroyable!
Dans ce poème, on remarque une forme novatrice de ce genre littéraire. Excellent et incroyablement beau!
Je l’ai appris a l’ecole
J’aime tellement ce poème !
Tout en mouvement et sensuel.
Merci pour cet instant magique..