C’est la chanson du pauvre noir,
sa chanson de route.
Dans l’île, de sa case où la nuit chaude écoute,
cette chanson est née.
D’une voix basse et résignée,
elle berce les pauvres noirs
dans toutes les îles.
C’est la chanson de l’Homme jaune
au fond des rizières.
Elle descend, remonte, monotone,
en jonque, le long des rivières.
Elle bourdonne au cœur des maisons de papier,
mais dit : dans mes bateaux de guerre,
on m’entendra jusqu’au bout de la terre.
Pour la chanson des hommes blancs,
il faut plus d’instruments et des voix plus savantes.
Plus de ciel où monter,
plus de ciel d’où tomber,
dit l’Homme blanc qui chante.
Mais le chant du Peau-Rouge,
du guerrier, du chasseur, du cavalier Peau-Rouge,
du pirate Peau-Rouge et du sorcier Peau-Rouge,
sur la route perdue entre toutes les routes
qui le retrouvera ?
Sabine Sicaud, Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 (Recueil posthume)