Ah! Laissez-moi crier, crier, crier …
Crier à m’arracher la gorge !
Crier comme une bête qu’on égorge,
Comme le fer martyrisé dans une forge,
Comme l’arbre mordu par les dents de la scie,
Comme un carreau sous le ciseau du vitrier…
Grincer, hurler, râler ! Peu me soucie
Que les gens s’en effarent. J’ai besoin
De crier jusqu’au bout de ce qu’on peut crier.
Les gens ? Vous ne savez donc pas comme ils sont loin,
Comme ils existent peu, lorsque vous supplicie
Cette douleur qui vous fait seul au monde ?
Avec elle on est seul, seul dans sa geôle.
Répondre ? Non. Je n’attends pas qu’on me réponde.
Je ne sais même pas si j’appelle au secours,
Si même j’ai crié, crié comme une folle,
Comme un damné, toute la nuit et tout le jour.
Cette chose inouïe, atroce, qui vous tue,
Croyez-vous qu’elle soit
Une chose possible à quoi l’on s’habitue ?
Cette douleur, mon Dieu, cette douleur qui tue…
Avec quel art cruel de supplice chinois,
Elle montait, montait, à petits pas sournois,
Et nul ne la voyait monter, pas même toi,
Confiante santé, ma santé méconnue !
C’est vers toi que je crie, ah ! c’est vers toi, vers toi !
Pourquoi, si tu m’entends, n’être pas revenue ?
Pourquoi me laisser tant souffrir, dis-moi pourquoi
Ou si c’est ta revanche et parce qu’autrefois
Jamais, simple santé, je ne pensais à toi.
Sabine Sicaud, Les poèmes de Sabine Sicaud, 1958 (Recueil posthume)
Majestueux
Je découvre à l’instant ce poème d’une force extraordinaire. Respect pour cette jeune poétesse qui, si elle n’était pas décédée si jeune, nous aurait emporté dans des sphères insoupçonnées.
Sublime, écrit comme tous ses autres, pauvre gamine de 15 ans morte accidentellement de gangrène osseuse dans d’atroces souffrances alors qu’elle nous a laissés des poésies d’une grande qualité écrits avec une âme d’enfant : elle a commencé à écrire vers 8 ou 9 ans des poésies dont seuls des poètes matures en auraient été capables.
De grâce, pour l’honorer, allez lire les poèmes sur les pages qui lui sont dédiées.
Que nous aurait elle laissé si elle avait vécu ?