L’angoisse est régulière
elle a son propre corps
et sa propre matière
dont je suis le support
elle est le vêtement d’un deuil irréparable
dont je suis habillé comme couvert du sang
de ceux qui se lamentent
d’être les grands perdants d’une guerre implacable.
Elle est un métronome et l’histoire est usée
elle est une matrone et je suis le sujet
elle assourdit l’automne
et mon âme s’affole
s’abîme dans l’outrance
s’effrite dans l’effroi
comme une fleur dépose
chacun de ses pétales
mimant l’apothéose
d’une douleur finale.
L’angoisse est régulière
comme une nuit précoce
elle imprègne les membres
d’un squelette orphelin
qui est le corps éteint
de mon coeur bien trop tendre
j’avais perdu l’entrain comme une inspiration devenue lettre morte
j’échoue face à l’ennui et la trivialité d’un monde taciturne et soudain si violent
je perds mes illusions et la peur m’enveloppe
j’y invente mon deuil nourri de vieux remords
comme la flamme éteinte
assèche la lumière
mimant le vent glacé des abîmes du temps.
Claire Raphaël, 2000