Mon œil rêveur suit la barque lointaine
Qui vient à moi, faible jouet des flots ;
J’aime à la voir déposer sur l’arène
D’adroits pécheurs, de joyeux matelots.
Mais à ma voix, nulle voix qui réponde !
La barque est vide, et je n’ose approcher.
Nacelle vagabonde,
A la merci de l’onde,
Pourquoi voguer sans rame et sans nocher ?
La mer paisible et le ciel sans nuage
Sont embellis des feux du jour naissant ;
Mais dans la nuit grondait un noir orage ;
L’air était sombre et le flot menaçant !…
Quand l’espérance, en promesses féconde,
Ouvrit l’anneau qui t’enchaîne au rocher,
Nacelle vagabonde,
A la merci de l’onde,
Pourquoi voguer sans rame et sans nocher ?
Oui, ton retour cache un triste mystère !
D’un poids secret il oppresse mon cœur.
Sur cette plage, errante et solitaire,
J’ai vu pleurer la femme du pêcheur !
Es-tu l’objet de sa douleur profonde ?
Ses longs regards allaient-ils te chercher ?
Nacelle vagabonde,
A la merci de l’onde,
Pourquoi voguer sans rame et sans nocher ?
Amable Tastu, Poésies nouvelles, 1835