Je te donne ces vers afin que si mon nom
Aborde heureusement aux époques lointaines,
Et fait rêver un soir les cervelles humaines,
Vaisseau favorisé par un grand aquilon,
Ta mémoire, pareille aux fables incertaines,
Fatigue le lecteur ainsi qu’un tympanon,
Et par un fraternel et mystique chaînon
Reste comme pendue à mes rimes hautaines ;
Être maudit à qui, de l’abîme profond
Jusqu’au plus haut du ciel, rien, hors moi, ne réponds !
– Ô toi qui, comme une ombre à la trace éphémère,
Foules d’un pied léger et d’un regard serein
Les stupides mortels qui t’ont jugée amère,
Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain !
Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
N’est-ce pas à la Mort qu’il s’adresse?
– Être maudit
– Rien, hors lui, ne lui répond
– Ombre à la trace éphémère
– Elle foule les mortels
– Elle reste sereine malgré tous ceux que se pas foulent
– Elle a été jugée amère
– Elle a des yeux de jais
– Elle a un front de bronze
Ça m’a toujours semblé la représentation de la mort, de même que « Elle » dans Les Ténèbres « noire et pourtant lumineuse ».
Pareil, ce poème ne peut qu’émerveiller d’honnêtes gens érudits, ma foi!