Souvent, je m’attendris, vraiment, jusqu’à pleurer
En m’imaginant nue et dans sa stricte vie,
Votre chair jeune et douce et j’éprouve l’envie,
Les sens calmes et purs, d’aller la respirer.
C’est puissant, c’est divin, c’est neuf… Je m’extasie…
Quoi! vous avez un coeur dans votre cher côté,
Un coeur de tiède sang, de force et de santé,
Un coeur qui bat, profond, à la place choisie?
J’adore votre forme exacte et son contour,
L’éclat matériel de votre belle lèvre,
Votre vigueur qui monte et vous fait de la fièvre
Et précipite en vous le besoin de l’amour.
Combien c’est net et bon, combien cela m’enchante!…
Je pense à votre faim, à votre beau sommeil,
Je me dis: « il est plein de sève et de soleil,
Et la joie est sur lui comme l’eau sur la plante. »
Vous avez mon amour, la poigante douceur
De l’animal qui boit, qui marche et qui désire
Et même, sans vos pleurs, vos rêves, votre rire,
Vous avez, par le sang, une haute splendeur.
Je vous loue, éblouie et grave, car vous Etes…
J’écoute votre pas, j’entends votre soupir…
« Ah! comme il est vivant! » me dis-je… « Il doit mourir… »
Mon adoration fond en larmes secrètes…
Et c’est un plaisir sain, vrai, robuste, émouvant,
Je n’y mets pas d’ardeur cache et sensuelle,
Et je ris tendrement lorsque je me rappelle
Vos cheveux, une fois, emmêlés par le vent…
Hélène Picard, L’Instant Éternel, 1907