O jeune corps de joie où la splendeur circule,
Je te glorifierai dans la vague du blé,
Dans les grands horizons, lorsque le crépuscule
Ouvre une route bleue au silence étoilé.
O jeune fleur de vie, ô chair pure et sacrée,
O corps du bien-aimé, je te louerai le jour,
Lorsque la terre boit la lumière dorée,
Quand le soleil est beau comme un rire d’amour.
Je te retrouverai dans les vignes ardentes,
Dans la mûre si lourde aux doigts de la chaleur,
Dans le parfum du foin et des roses brûlantes,
Et dans le tiède sol et dans les fruits en fleur.
Je te désirerai dans les plantes de l’ombre,
Je te savourerai dans le pain du matin,
Je boirai ta douceur au coeur de la nuit sombre,
Et, dans le fleuve beau, je verrai ton destin.
Je baiserai le chêne ou tes dieux te saluent,
L’herbe de la vallée où tu dors en riant,
Le lin, l’outil, le blé que tes mains distribuent,
Belle, je chanterai pour toi vers l’Orient.
Je te respirerai dans les vents de l’automne,
Dans les vents où tournoient les fous insectes d’or,
Ivres, dans le verger qui s’effeuille et rayonne,
D’avoir goûté les fruits et pressenti la mort.
O bien-aimé, fraîcheur, parfum de la colline
O clarté de mes yeux, ô rythme de mon coeur,
Je mouillerai ta chair d’une larme divine
Et je m’effeuillerai sur toi comme une fleur.
Je t’apprendrai les mots dont s’alimente l’onde,
Dont s’avive l’azur, dont se dore l’été;
Pour toi, je lèverai mes deux bras sur le monde,
Et mes gestes, pour toi, feront de la beauté.
La source des forêts dira notre jeunesse,
Et ma lèvre, sans fin, dans la tienne mourra;
La lune règnera, haute, sur notre ivresse,
Et l’urne de ma vie à tes pieds coulera…
Hélène Picard, L’Instant Éternel, 1907
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