Où est-il celui qui parlait le langage des astres ?
Celui capable de réformer le monde
Ou de l’embraser d’un souffle acide
De l’enrouler d’un bon mot
Jusqu’à l’implosion des sens
De faire de tout ce qui était
Cendres incandescentes
Où es-tu ?
Toi le dernier Nadir
Fais-nous entendre ta voix
Tu ne peux plus t’adresser qu’à une poignée d’hommes
Tu dois parler à tous
Descends de ton Zénith
De ta copieuse bibliothèque
Reviens-nous d’Abyssinie
Avec de l’or autour de la taille
Distribue tes trésors au peuple
Accompagne-les dans leur retraite
Mais il est peut-être déjà trop tard
Car voici venu le temps des nombrilistes
Des briseurs de rêves
Dans ta silencieuse fureur
Tu nous as tourné le dos à tous
Sans distinction aucune
Ton verbe est à présent inaudible
Ta race est devenue la triste risée des puissants
Invente donc un nouveau langage
Libère-nous des mères abusives
Des costumes étriqués
Embarque-nous dans tes soirs bleus d’été
Fais de chaque vision
Notre éternité
Reviens-nous
Toi l’enfant
Le voyant
Le dernier mendiant
Grégory Rateau, Conspiration du réel, 2022, Editions Unicité
Oui, Rimbaud. Un poète d’une singularité et d’une actualité sans équivalent. Ici, un hommage lui est rendu. Mais cet hommage, cette sorte d’invocation le gâche. Comme si Rimbaud était une sorte de Messie.
« Que les poètes morts laissent la place aux autres », écrivait Artaud.
D’autres poètes ont succédé à Rimbaud. D’autres visions. La poésie ne se réduira jamais au poète. Heureusement. Les poètes sont au service de la poésie. Non l’inverse. Lorsque disparaîtra notre espèce la poésie disparaîtra aussi. La Poésie et l’Homme ce sont l’avers et l’envers d’une même pièce : vivre.
Magnifique texte qui rappelle et actualise le « Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud » de René Char.