Je ne parviens pas à dormir.
Dehors, une poudre d’étoiles illumine le ciel mat.
Ma tasse de thé a refroidi,
les volutes de fumée se sont rétrécies.
Les lucioles restent à la surface des ténèbres.
Je les aperçois par la fenêtre de ma chambre.
Parfois, j’ai l’impression qu’elles traversent la vitre,
qu’elles me parlent, fendant la toile trouée du ciel,
la parsemant de milliers d’étoiles blondes.
Tandis que s’éloigne l’ombre de la lune,
les lucioles me chuchotent
des comptines oubliées
dans le silence écroué du soir.
Dans cette nuit fauve, je compte les moutons
qui défilent dans ma tête : un, deux, trois
jusqu’à ce que mon esprit s’embrouille,
ne sachant plus faire la différence
entre le passé, le présent, le futur,
entre le jour bleu ou bien la nuit infinie
entre la tessiture du chant de l’oiseau
et celle d’une fourmi.
Je compte les moutons
jusqu’à ce que le marchand de sable
vienne alourdir mes yeux, jeter des grains de sable
sur mes paupières de chair perméables à la nuit,
jusqu’à ce qu’enfin, dans la nuit froide,
je tombe dans les bras infinis de Morphée.
Alix Lerman Enriquez, 2023