Je suis ce gamin lancé dans le monde
cherchant « la maison » partout
où les sourires se souviennent encore
Je suis cette langue exilée
dont l’héritage en fuite
le retient par la peau du Verbe
Je suis cette cigarette de trop
et qui, une fois éteinte
attend sagement de nouvelles brumes
Je suis cet être en chantier
à la recherche du frère ou de la sœur
passant outre les quelques miettes de sang
Je suis cette raison vacillante
accoquinée aux maudits
mais se refusant à partager leurs tristes sorts
Je suis ce bohémien avide de sensations
aveuglé par ses chimères
mais s’accrochant désespérément à une branche d’éternité
Je suis cet imposteur
dont la lucidité vengeresse
lui désigne la blessure du soleil
Grégory Rateau, Imprécations nocturnes, 2022, Conspiration Editions
Très touché par ce retour que je découvre juste. Merci vraiment.
Poème extrait de l’excellent recueil « Imprécations nocturnes » (paru en novembre 2022 aux éditions Conspiration) qui est une perle supplémentaire dans le monde de la poésie contemporaine.
Gregory Rateau manipule ici une plume très agréablement fluide qui se laisse lire comme on écouterait un beau morceau de rock acide, un lyrisme qui par son universalité lui donne un nouvel éclat et ne tombe pas dans le dégoulinant des romantiques par exemple, et des images qui certes un peu classiques sont placées de manière pertinentes et poussent à une constante interrogation. Bref, de l’art, un poème avec un grand P, qui plait sans doute universellement sans concept par sa musicalité et ses thèmes universaux mais aussi son mystère quasi-envoutant.
Une amatrice de poésie pratiquant elle-même ce noble art.