Tous ces râclements de voix
Huilent l’air dès les premières lueurs
Les trétaux éventrent le froid
De leurs pieds d’acier sans douceur
Des confins du lourd sommeil
Se déplient les jambes engourdies
Qui s’agitent entre les corbeilles
De légumes replets et de fruits
Des regards soupèsent le temps
Les premiers mots tanguent en surface
La gueule des camions géants
S’étire renifle à même l’espace
De larges mains gomment la nuit
De leurs gestes sûrs et rapides
Les couleurs se multiplient
Sur ce fond gris et insipide
Ah !
Que la vie est belle
Là sur son coin de mousse
Dans son rêve d’eau douce
Sur son bout de pouce
Comme dans un aéroport
Les halles se sont soudain gonflées
De ces balancements de corps
Cadencés au rythme des paniers
Les cris lézardent le soleil
S’habillent de rouge de jaune de vert
Roulent sous ces langues de miel
En notes chaudes libres de l’hiver
Les parfums rallongent les nez
les entraînent dans une course folle
Flirtant du sucré au salé
Comme un principe de farandole
C’en est ainsi juqu’à midi
Cet instant où la place se donne
Au silence des pavés meurtris
Par cette vie qui encore résonne
Ah !
Que la vie est belle
Là sur son coin de mousse
Dans son rêve d’eau douce
Sur son bout de pouce
Didier Venturini, 1996
Ce texte rend présent l’espace géographique et mental d’un Marché et évoque ainsi la poésie vivante que Tous les marchés du monde contiennent.