Sur tes trottoirs enduits de poudre, des séraphins ivres se laissent aller, jeûnent à coup de temps mort, de petits compromis fumeux dans l’amnésie du soir.
Ici, on s’arrange comme on peut avec les trocs. À l’ombre des blocs, les journées se grignotent, se recrachent aussitôt.
Sur tes boulevards, les volants, à coup d’aigreurs bureaucratiques basculent. Klaxon contre klaxon, les mouettes mitraillent le sol.
Tout s’étiole lentement. Les ancêtres en file indienne se prosternent devant le pope : un cierge allumé au nom des exilés.
Les gloires statufiées veillent au grain. Sur tes places éventrées, boyaux et viscères du faste d’antan. La vie s’accroche à des relents de beauté.
Des cratères sur le pavé, les gamins improvisent. À saute-mouton pieds nus et hop dans ton énorme gueule.
Dans l’impasse, l’herbe gangrène le béton, un vaste portail mauresque, des résidus de lumière pendus aux fenêtres. Les Mille et une nuit dans un trompe l’œil.
Tout ici appelle aux souvenirs. On glisse sur toi en reconnaissant seulement des bribes, en fulminant sur un ailleurs. Dans l’impossibilité, pourtant, de te fuir.
Grégory Rateau