dans mon jardin lèvent de hautes pierres
gravées de noms que jamais nul ne lit,
des noms gravés et des dates aussi
qui s’ouvrent grand sur des vallées heureuses
Fleurs de printemps ou feuillages d’automne
ocres d’octobre et vaporeux brouillards
et dans le ciel des vols d’oiseaux criards
Serais-je heureux, indifférent ou triste?
Souvent varie comme varie le vent,
passe, repasse et ressasse le temps
tandis qu’en moi des souvenirs résonnent
de temps cruels qui s’appelaient la Ruhr,
Dresde, Moscou, Paris, Berlin et Londres,
et Coventry la ville crucifiée
Bombes grondant éventrant les usines,
des bombardiers, emportant dans leurs flancs
des moissons rouges, il avait peu de sens
ce mot heureux et l’antiphrase absurde
dont sont nommées tant de vallées heureuses
parmi mille autres du Japon à l’Ukraine,
où se joue sombre, sombre l’histoire humaine
Lisant ce soir ce livre d’autres temps,
dormez amis en vos vallées heureuses
heureux encor, l’espace d’un instant
indifférente, court notre histoire humaine
Villebramar, novembre 2024
Note: « La vallée heureuse » est le titre d’un livre de Jules Roy; il relate le quotidien des pilotes anglais qui allaient de nuit bombarder la Ruhr. Par dérision et antiphrase, ils avaient désigné leur cible par cette expression teintée d’un humour lugubre et cependant « so british », reprise par Jules Roy dans son ouvrage