Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où
Le héron au long bec emmanché d’un long cou :
Il côtoyait une rivière.
L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ;
Ma commère la carpe y faisait mille tours
Avec le brochet son compère.
Le héron en eût fait aisément son profit :
Tous approchaient du bord ; l’oiseau n’avait qu’à prendre.
Mais il crut mieux faire d’attendre
Qu’il eût un peu plus d’appétit :
Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
Après quelques moments l’appétit vint : l’oiseau,
S’approchant du bord, vit sur l’eau
Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
Le mets ne lui plut pas, il s’attendait à mieux,
Et montrait un goût dédaigneux
Comme le rat du bon Horace.
Moi, des tanches ! dit-il ; moi, héron, que je fasse
Une si pauvre chère ! Et pour qui me prend-on ?
La tanche rebutée, il trouva du goujon.
Du goujon ! c’est bien là le dîner d’un héron !
J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux dieux ne plaise !
Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu’il ne vit plus aucun poisson.
La faim le prit : il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.
Ne soyons pas si difficiles :
Les plus accommodants, ce sont les plus habiles ;
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner,
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
Bien des gens y sont pris. Ce n’est pas aux hérons
Que je parle : écoutez, humains, un autre conte :
Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons.
Jean de La Fontaine, Fables, Bernardin-Bechet, 1874
Je viens d’aller au bords de la Bièvre, en vélo, pour voir si le niveau montait. Les roseaux étaient coupés pour favoriser le courant… Il y avait au moins 50 Canards , canetons et Poules d’eau ET SURPRISE un magnifique Héron…
Aussitôt rentré, je me précipitais sur La Fontaine. Cela ne m’a pas coupé l’Appétit. Je crois qu’à midi je vais faire cuire du Poisson (de Mer). Je viens d’avoir 87 ans.
Je suis devant un étang et les petits oiseaux volettent entre les roseaux en quête de nourriture dans les airs. La becasse blanche sur ses échasses rouges, se promènent sur la rive en quête de vers ; elle plonge son long bec dans la vase au fil de ses enjambées. Des aigrettes garzettes sont posées sur un ilôt. Et enfin, le voilà qu’il surgit, le héron cendré vient se poser sur une branche. La poésie de La Fontaine ressurgit dans ma mémoire.
Merci Mr De La Fontaine, je n’ai pas oublié.
Les fables, aujourd’hui ne sont plus enseignées comme beaucoup d’autres choses. C’est très dommage. J’ai quatre-vingt-trois ans et je fais du soutien en français depuis novembre à deux CM2 qui entrent en 6ème en Septembre. Comment peut-on envoyer des enfants en sixième sans maîtrise de la lecture, de la compréhension, sans les acquis en orthographe, grammaire, conjugaison, vocabulaire ? J’ai fait du soutien scolaire jusqu’en 2022 et déjà l’enseignement avait baissé mais aujourd’hui. C’est lamentable et coupable.
Moi ce que j’aime beaucoup dans cette fable c’est la leçon a la fin, les lus accommodants ce sont les plus habiles.
J’ai appris cette fable par coeur lorsque j’étais en primaire, ainsi que plusieurs autres fables de Jean de La Fontaine. Pourquoi ceci a-t-il cessé ? Mes petits-enfants n’ont guère appris qu’une ou deux de ces fables. En place, on leur fait apprendre d’obscurs poèmes dénués de cette « morale » qui nous est tant utile.
C’est long mais c’est intéressant
C’est la seule fable que j’ai appris par cœur sur le tard…
Ce sont de sacrés leçons de vie que Lafontaine écrivait. Qu’il repose en paix
Merci pour me faire revivre le passé avec ce poème.
C’est bien…