De n’avoir pas vécu,
de n’avoir de passé,
marchandise de rebut,
cachée, désavouée,
les chansons inconnues
des poètes ignorés
ne peuvent pas mourir.
De n’avoir pas trouvé
de lèvres pour traduire
leur cri désespéré
habillé d’un sourire,
les chansons inconnues
des poètes ignorés
ne veulent pas mourir.
Mais d’avoir souvent vu
l’insuccès méprisé
sans honte devenu
réussite admirée,
les chansons inconnues
des poètes ignorés
parfois voudraient mourir.
Qui donc a raconté
les chansons qui traînaient
au gré de chaque rue
longtemps longtemps après
les poètes disparus ?
Les chansons inconnues
jamais ne sont chantées.
Elles n’ont de sépulture.
Ne meurent ni ne vécurent.
Ne seront reniées.
Ni louées. Ni brimées.
Jamais aucun murmure
ne viendra les bercer.
Et pourtant entendez…
Entendez-les gémir.
De n’avoir fait sourire…
De n’avoir fait pleurer…
Les chansons ignorées
habitent l’inconnu
longtemps longtemps après
leurs auteurs disparus.
Esther Granek, Ballades et réflexions à ma façon, 1978
Que dire… Ah si Génial