Alors que nul ne voit,
lorsque l’ennui me guette
aux assemblées de têtes,
c’est entre moi et moi
que je me fais la fête
en me marrant tout bas.
Or, vu qu’un rien m’engrosse,
en traits quelque peu rosses,
un tantinet féroces,
rien qu’entre moi et moi
sitôt portrait je brosse
de ceux qui me côtoient.
Dès lors, en gaieté folle,
pourtant statue de bois,
par coeur je me gondole,
juste entre moi et moi.
Oeil grave et bouche molle
où rien ne se lira.
Mais soudain… patatras !
Durant que je me tords,
d’un seul coup je m’abhorre,
là, entre moi et moi.
Masque à la James Ensor
au guignol de ma joie.
Car pouffant sans sourire
et me pâmant sans voix,
c’est par-delà mon rire
qu’en chacun je me mire
avec un peu d’effroi !
Rien qu’entre moi. Et moi.
Esther Granek, De la pensée aux mots, 1997