A sa table de conférence
il se lève et déjà commence,
laissant flotter (le temps qu’il faut)
un instant infime de silence
ainsi qu’au lever du rideau…
On se manifeste aussitôt :
Bravos.
Il ne s’engage que sobrement
(les coups de gueule viendront à temps).
Du geste, il souligne le verbe,
malgré lui comédien en herbe
se démenant sur les tréteaux…
On se manifeste aussitôt :
Bravos.
Lorsqu’il frappe du poing sur la table,
un temps d’arrêt dans ses propos
en rendra l’effet plus durable…
Et dans l’air qui encore frémit
et qui évoque la tragédie,
on se manifeste aussitôt :
Bravos.
Soudain il ne tient plus en place
et de force il saura créer
(pour le public c’est un cadeau)
les gestes longuement étudiés
qu’il répéta devant la glace…
On se manifeste aussitôt :
Bravos.
Voilà. Le rideau est tombé.
L’orateur, merci. Bien parlé !
Mais il se montre un peu inquiet
quoiqu’à la fois fort satisfait,
tout pareil à l’homme de métier
lorsqu’il a quitté le plateau.
BRAVO !
Esther Granek, Ballades et réflexions à ma façon, 1978
Ce texte sied parfaitement à Mckron qui adore s’écouter discourir, comédien en herbe, je t’ai démasqué.
En ces temps de fièvre électorale, ce poème aurait pu s’intituler : François, ou « l’orateur menteur ».
excellent !
Eh oui !